Abandonnée sur un tas d’ordures, en bordure du cimetière, je m’ennuie.
J’ai entendu parler des chèvres qui fréquentent les autres dépotoirs de la ville et qui poussent du museau les débris qu’elles ne mangent pas.
Aucune ne me rend visite pour me faire un peu voyager.
Ma dernière copine, une boite de sardines, s’en est allée, emportée par le vent. La voilà coincée sur une tombe, derrière un gros caillou : ultime décoration, dernier bijou offert au pauvre mort étendu là.
Et puis, j’ai vu arriver une foule bigarrée d’hommes pressés, arborant de superbes boubous aux couleurs chatoyantes. Ils se hâtaient, le chèche (*) haut, totalement insensibles aux immondices qui les cernaient….
Tant de beauté, d’élégance et de raffinement dans ce décor sordide où les restes humains cohabitent avec les ordures, m’a fait frémir.
Alors j’ai compris que c’était jour de la Tabaski (**) et mes souvenirs de marmite qui avait mitonné dans son ventre la viande de la fête et les sauces odorantes, sont revenus.Miracle de la mémoire olfactive !!
L’espace d’une prière, les délicieux fumets d’autrefois ont chassé les pestilences d’aujourd’hui.
Nassa Rhakado .Février 2006
* chèche : turban blanc ou bleu, jusqu'à 12 mètres de long, dont les Touaregs s'entourent la tête
** Tabaski fête célébrant la fin du ramadan; C'est l'occasion de grands banquets et de distribution de cadeaux